20110528

Aime Ton Pays


"Mon père, en m'embrassant, fut saisi d'un tressaillement et me dit : “Jean-Jacques aime ton pays". Ces paroles sont de J.-J. Rousseau et elles étaient gravées sur l'immeuble qui abritait, jadis, la Placette. Je l'ai lu souvent lorsque petit j'accompagnais ma mère faire ses courses le samedi matin. Je ne l'ai comprise que plus tard, bien plus tard.

Aime ton pays comme toi-même. Tâche difficile—pour celui qui ne le connaît pas. Je pense bien connaître le mien. Pas dans les moindres détails, mais suffisamment pour savoir de quoi il en retourne. Je l'ai parcouru: pas du nord au sud, ni d'est en ouest et, pourtant, j'ai bien tenté de le faire.

Cette photo à dix ans presque jour pour jour. Jeudi 24 mai, je photographiais avec mon jetable un couple au bord du lac de Constance. Je m'étais embarqué pour un périple à travers la Suisse à pied: 450km...

Je n'aurais finalement parcouru que la moitié 200km—ce fameux 24 mai. 

J'étais parti de Genève au petit matin. Mon ex-femme m'avait accompagné à la gare. Elle était inquiète. Il y avait de quoi. Moi, je l'aurais été à sa place. 

Cette aventure, qui n'aura duré que quatre jours, restera gravée dans ma mémoire. La traversée de Saint-Gall pleine d'entrain, la première colline et la première nuit. Nuit d'orage: pleine de peur et de pluie. Levé à l'aube—j'ai traversé les plaines de l'Appenzell encore endormies et couvertes d'une épaisse couche de brouillard. L'étonnement sur le visage des rares personnes que je croisais. La peur—aussi—sur leurs visages. Des visages fermés comme leurs volets. 

La montée vers l'Abbay d'Elsiden. Ce voyageur qui m'a accompagné pendant 10-15km. Lui: incrédule et pleins de questions. Moi: terne et triste. Il m'a quitté au sommet de la côte en me souhaitant bonne chance. L'arrivée dans ce village dont je ne connais plus le nom. Cet homme qui m'a interpelé pendant que je remplissais ma gourde. Il voulait savoir qui j'étais et ce que je faisais sur cette route seul venant de nulle part, allant vers nulle part. Je lui a dit : “je vais à Genève”. Il m'a dit : "à pied ?" zu fuss ....“Oui”, ai-je répondu...“à pied”. 

Ah, mes pieds auront fini par me trahir 100km plus loin. Mes chaussures, trop petites, manquent d'expérience aussi. La légion n'aura pas suffi. Et puis, il y eu cet épisode dans ce village à quelques encablures de Zürich: Des jeunes enfants qui jouaient dans une cour. Ils m'ont vu a travers le grillage. Ils ont couru dans ma direction et mon dit "Ein nigger, ein nigger".

"Aime ton pays". Faut-il aimer son pays et ses habitants ? Je crois que j'aime la Suisse parce que...c'est le seul pays que je connaisse bien. 

Mon périple c'est terminé dans la douleur, mais j'en garde un bon souvenir. Je suis revenu à Genève—en train—le 28 mai 2001.

Dix ans déjà


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