20111023

Voyager

Je ne sais plus qui m'avait offert ce livre: Le Voyager Autour de ma Chambre ou de mon Lit. Je ne sais plus. L'idée que l'on puisse voyager sans quitter son lit, me plaît. J'aime les voyages mais pas voyager. Je veux dire: j'aime être ailleurs mais pas partir. C'est ce sentiment d'arrachement qui devient à chaque fois plus douloureux. La peur du ratage aussi. C'est pour ça que j'improvise.


Mais, comme chaque fois, la magie opère...


...et mieux qu'au Maroc. Les gens sont moins affables qu'au Maroc, moins insistants aussi. Je n'aime pas qu'on me colle aux basques. Le Turc est poli et distant, sympa avec les enfants sans être trop lourd non plus.

Je n'avais jamais remarqué les similitudes avec notre drapeau. Une croix vaut bien un croissant me direz-vous mais de là à tomber sur une Migros....



Bon, première journée RAS: Je mange bien, Yoanna s'ennuie un peu mais c'est tant mieux. Je crois qu'elle est moins curieuse que son frère: caractère différent.


Aujourd'hui, c'était un tour de chauffe. Demain, la grande série de visite commence.



20111012

Theodora

Je suis rentré dans cette parfumerie comme dans une église: à génuflexion.


Quelques fidèles qui assistent à la messe: un prêtre - une prêtresse devrais-je dire - , le décorum et les odeurs. Mes souvenirs d'église, qui datent de ma plus tendre enfance, sont des souvenirs olfactifs : l'encens , les bougies, le bois.  Des sensations très nettes. L'eau froide du bénitier, la lumière qui perce au travers des vitraux, et puis, la sensation du temps qui passe lentement.


La vendeuse à l'air d'une sainte. Elle évangélise à tout va, et moi, je suis prêt à confesser mes crimes. Tous mes crimes—même ceux que je n'ai pas commis. Je lui avoue ma passion pour la vanille et les parfums capiteux. Elle ouvre flacon après flacon, et ma tête tourne déjà. Je sais que je repartirai d'içi infidèle car, c'est bien de trahison qu'il s'agit. J'ai confié dix-huit ans de ma vie aux Artisans Parfumeurs, et là, je suis prêt à changer de religion. Découvert en 1994, je les ai adopté dès la première goutte posée sur ma peau : l'eau du navigateur, fou d'absinthe, vanille, etc. 


Un changement s'opère: je troque le vieux pour du neuf. 


Ma nouvelle idole s'appelle Kilian: un parfum corsé, ample et généreux. Un arôme qui vient de l'orient.


La messe est dite. J'ai jeté mon dévolu sur un flacon de 30ml. Nouvelle religion, nouveaux symboles, nouvelle prière. Celles que j'ai envoyé au ciel, en 1994, sont parvenues jusqu'à LUI. Celles-ci en feront-elles autant ?


In Kilian, I trust.


JMF

20111009

Je Sais que Dieu Existe

C'est ce qu'a dit ma fille Yoanna (7 ans) aujourd'hui. Alors que nous remontions du parc des Bastions pour aller voir le plus long banc du monde, ma fille me dit que Dieu existe. Je lui demande comment elle peut en être sûre. Elle me demande si j'y crois moi. Je lui dit que non, et elle me demande d'où venons-nous, et moi je brode sur les théories du "Big Bang". Elle n'en démord pas. 


Dieu à créé le 1er hommme et la 1ère femme, me dit-elle, et ensuite, ils ont eu des bébés. 


Je lui demande des preuves. Elle me répond que mon père sait! Je lui répond que si mon père le sait, il ne peut pas me le dire puisqu'il est mort. Elle rétorque que si elle était au ciel, il le lui dirait et me dit tout à coup: "je n'ai qu'à me tuer pour aller au ciel voir grand-papa et lui demander". Son frère qui était resté discret, jusque là, lui dit que cela ne servirait à rien car une fois au ciel, elle ne pourrait pas communiquer avec moi. Sur ce, ma fille dit qu'elle enverra une âme pour me donner la réponse....



20111008

Un Etre qui s'habitue à Tout

Je l'ai reconnu au premier coup d'oeil. Elle avait déboulé sur le boulevard passant à ma hauteur sans même m'apercevoir. Chevelure courte, lunette de soleil et chemise blanche c'est tout ce qu'il m'a été permis de voir à travers la vitre. Je savais qu'elle était revenue dans ma ville. Des amis m'avaient prévenu. Je n'avais aucune envie de la revoir. Le souvenir de notre rupture était encore trop vif: cinq ans déjà.

De loin, que je m'en souvienne, cette fille m'avais toujours semblé pressée. Toujours en mouvement: allant du point A au point B. Chez elle: point de repos. Je l'avais rencontré chez une amie commune. Une soirée où l'on s'ennuie ferme et d'où l'on se promet de partir tôt. J'avais plus ou moins préparé les excuses que j'allais formuler pour partir discrètement sur le coup des 21h. Mais elle est arrivée. Elle s'était engouffrée dans l'appartement comme d'autres se ruent sur les étales pendant les soldes. Elle a expédié les formules de politesse et a passé l'assistance en revue. Ses yeux sont tombés sur moi. Elle s'est avancée. J'aurais voulu m'écarter, reculer faire au moins un geste de défense, mais rien ne s'est produit. J'étais subjugué par cette femme qui savait déjà que je lui appartenais et qui semblait s'amuser de me voir pétrifié, vissé sur place. "Qu'est-ce que vous m'offrez ?", lâcha-t-elle. J'ai marmonné quelque chose. Je suis allé au bar et j'ai senti la brûlure de son regard dans mon dos. Je suis revenu avec deux verres de vin. Elle a bu son verre d'un trait, puis, elle a pris le verre de mes mains et y a trempé ses lèvres. Elle m'a dit: "maintenant je sais à quoi vous pensez, allons nous-en". Nous sommes sortis de l'appartement et avons grimpé dans sa voiture qui était garée juste en face. En chemin, elle n'a pas murmuré une seule parole.

Nous sommes allés chez elle. Elle s'est déshabillée. Je n'en revenais pas que cette beauté entre aperçue, moins d'une heure avant dans une soirée qui battait de l'aile, se déshabillait devant moi et m'invitait d'une manière directe et brutale à la rejoindre dans son lit.

De cette nuit, je ne garde aucun souvenir. Ni de celle-ci ni des autres. Nous avons passé quelques mois ensemble. —Dix mois tout au plus.

Je passais la nuit chez elle, mais elle ne voulait pas que je reste dormir "la nuit m'appartient", me disait-elle". Chaque nuit m'ôtait le peu de repos dont j'aurais eu tant besoin à l'époque. Cette femme se donnait complètement et ne laissait rien d'entier sur son passage.

Elle me dévorait à petit feu. Elle m'a sucé jusqu'au sang puis m'a recraché comme un vulgaire bonbon qu'on ne veut plus parce que son goût a passé.

Notre relation s'arrêta comme elle avait commencé : sans explication.

Elle m'a simplement dit qu'elle n'avait plus envie de me revoir. Restons-en là.

J'en fis une dépression. N'importe qu'elle autre que moi se serait flingué—Moi pas. Je sors sans elle, mais le coeur n'y est pas. Je fais semblant.

Je suis arrivé au feu rouge et me suis arrêté à sa hauteur. Elle a légèrement tourné la tête.
Je crois qu'elle a souri, du moins, c'est ce que j'aimerais croire. Puis, elle a démarré en trombe. J'ai regardé longtemps les feux de la voiture s'évanouir dans la nuit rêvant même, un instant, qu'elle fasse demi-tour.

JMF


Un être qui s'habitue à tout, voilà, la meilleure définition qu'on puisse donner de l'homme.
  [Fiodor Dostoïevski]