20120925

Ces Corps qu'on Dissèque

Scott Walker - Plastic Palace People -

Sentiment étrange que la découverte d'une nouveauté. Savoir que quelque chose (de bien) puisse exister en dehors de votre champs de vision étonne , énerve , amuse. 

Je découvre Scott Walker au détour d'un post sur un site que j'affectionne. Le nom et le commentaire du bloggeur m'inspire. Je google Scott Walker. C'est du bon. J'écoute sur YouTube. C'est un rêve.

 

 


20120921

La joie de vivre (à propos des jeunes)

Quelle joie de vivre me disais-je en regardant des jeunes s'amuser dans le SK8 Park , prononcer Skatepark,  récemment construit par la ville. Bel endroit. Bel objet aussi que ce SK8. 

La surface semble lisse comme la peau d'une jeune femme. Des formes aussi, des courbes, dans angles vifs. Un bel objet aux formes qui (me) plaisent. 

Je regardais ces moins de vingts ans s'élancer comme des fous sur deux, quatre ou huit roues dans cette cuve en béton sans autre protection qu'un casque pour les plus prudents et ce sentiment d’invincibilité qu'ils ressentent probablement tous. 

Mais ce qui m'a le plus frappé s'est de voir briller dans leurs yeux cette flamme qui s'est éteinte dans les notre ou dans les miens en tout cas. Cette joie intérieur qui animent les pensées les plus banales et font courir sur le monde cette lumière des premières heures.

Une arène bruyante au fond duquel s'affronte des gladiateurs sans armures le corps glabre et le visage rayonnant. 

Ils sont là du haut de leur 15 ans à jouer sous le regard émerveillé des quadras. Je repense à ma cuve en béton. Mon arène. L'envers de ce décor. Là ou les gladiateurs sont armés jusqu'aux coudes. Jusqu'aux dents. Point de sourire ni d’innocence. Aucune lumière ne brille dans ses yeux là. 
 
Ne parlons pas de joie de vivre... 

Est-ce que le condamné à mort dans sa cellule croit encore en la bonté de l'homme ? Non on s'en doute. Il pense comme nous que le monde est une folie et qu'il faut être fou ou un enfant pour y trouver encore du plaisir.

Je suis reparti du SK8 content d'avoir pu partager , ne fussent que quelques minutes , le bonheur d'autrui.

20120913

Je crie au Génie !


 



Que reste-t-il après avoir vu "Ronde de Nuit" ou "Barry Lindon"? 

Rien ou plutôt si. Un vide.

Un immense vide qui sépare ces œuvres du reste. 

Rembrandt. Kubrick..le génie en marche. 

Le problème avec le génie des autres, c'est qu'il vous renvoie à votre propre médiocrité, votre propre insignifiance. 

Je n'en ai quasiment par dormi de la nuit.  

Cette journée m'a vidé, m'a laissé exsangue...

Alors, je crie:"Au génie" comme dirait Alain B.





 


20120906

Bonne nuit / Bon voyage

Bonne nuit, Bon voyage a murmuré mon amie au seuil d'une de nos nuits. 

Une nuit, un voyage et moi qui me plains de ne pas avoir assez voyagé. J'ai fait le calcul. 16'103 nuits depuis ma naissance, moins quelques nuits blanches, de nuits sans sommeil. Cela fait quand même un paquet de voyages 16'000 nuits !

Des heures passées entre ciel et terre quelque part dans les limbes du temps. Beaucoup d'artistes ont puisé dans le registre du sommeil et du rêve. Il y a une dimension mystique dans le rêve. Cette capacité que nous avons d'être "autre" tout en restant nous même. De se surpasser , de décupler nos forces ou notre intelligence. Nous empruntons au jour et nous le restituons la nuit selon nos propres conventions, nos propres arrangements. 

La vie serait impossible sans le rêve. Elle le serait aussi si nous savions à quoi rêve les autres. Imaginons que nous puissions voir sur un écran les rêves que nous faisons. Comment cacher nos ambitions, nos crimes, nos tares si elles pouvaient être affichées sur un écran HD avec son Dolby Stéréo? 


Bashung  ment la nuit. J'en ferai de même si l'on venait à pouvoir sonder mon esprit, mais peut-être qu'il faut être prévoyant. 

Javier Marias dit dans son roman Un coeur si Blanc qu'il garde le sommeil de sa femme, qu'il protège ce corps fragile et abandonné pendant la nuit. Allez savoir ce que font ceux qui veillent lorsque vous dormez. 


Nathalia Manur se défaisait dans la mélancolie. Autre phrase de Javier Marias tirée de l'homme sentimental dans ce passage du livre où le narrateur observe une femme assoupie dans un compartiment de train. Il observe la fragilité et la vulnérabilité du visage de cette femme qui s'offre ainsi au regard de tous. Il cherche à deviner les pensées qui agitent l'esprit de cette femme.

Bonne nuit et bonne chance. Les rêves sont des voyages d'où l'on revient plus riche pour autant que l'on sache comment déposer ses bagages.





Eloge de la Lenteur


 « N'ayez pas peur du bonheur : il n'existe pas. »

 Je suis lent. C'est un comble pour un homme qui vit à l'ère numérique, qui travaille dans une banque dans un service informatique, qui passe le plus clair de son temps en mouvement et qui est réputé être un impatient. 

Et pourtant j'aime la lenteur. Ou plutôt, j'aime prendre mon temps. Dire qu'il y a un temps pour tout est une bonne chose. C'est un bon point de départ. 

D'abord le rêve puis la sensation du rêve. La réalité ensuite. Le temps qui passe, lentement et seulement après l'action.

Voilà comment je décompose mes actions. Tout ce que je fais aujourd'hui n'est que l'aboutissement de ce que j'ai rêvé des jours, des semaines, des mois auparavant. Je suis le contraire d'un homme immédiat. Je suis une homme à retardement. Pas dans le sens ou je veux retenir le temps, m'attarder sur cette terre plus de temps qu'il me sera donné, mais simplement laisser passer le temps, lui céder la place, ne pas brûler les priorités. 

Une collègue me disait, l'autre jour, qu'une amie à elle avait proposé à son petit ami du moment de s'installer avec elle. L'ami en question avait répondu par "je vais me promener" et il est parti une heure avant de revenir lui donner sa réponse...ce qui a fait rire ma collègue. 

Je comprends la réaction du petit ami. Calmer le jeu, ralentir le temps, ne pas se précipiter.

J'applique la même méthode dans ma vie de tous les jours. Je travaille aujourd'hui sur des photos prisent il y a plusieurs mois et que j'ai promis d'envoyer à des amis. Qu'importe qu'ils les reçoivent demain ou dans dix mois pourvu qu'ils les reçoivent.

Un homme a confié récemment à ma mère des photos qu'il a pris de moi enfant il 35 ans !

Aujourd'hui, tout est dans l'instantanéité. Cette fuite en avant lorsqu'on y pense, nous rapproche encore plus rapidement du dernier moment. Il n'y a que les hommes occidentaux pour être bête à ce point, de se précipiter vers le point final.

La publicité nous pousse à consommer d'avantage. Elle nous convainc qu'il nous manquera toujours quelque chose pour faire notre bonheur. Elle n'a de cesse que de vous bombarder d'informations parfaitement inutiles qui vous pousse encore plus en avant.

La paradoxe du trop, je le compense avec le pas (le vide), le pas là (l'absence), le plus là (la fuite), le pas entendu (le sourd) , le pas encore (procrastination).

Parfois, cette attitude me fait louper des occasions comme cette lettre écrite à une admiratrice mais qui est arrivée trop tard : elle est morte. Il faut dire que j'ai mis 15 ans à écrire la lettre en question et la personne était déjà âgée.

C'est ce que dit Michel Houelbecq dans son texte La poésie du mouvement arrêté  :
 
"Chaque individu est cependant en mesure de produire en lui-même une sorte de révolution froide, en se plaçant pour un instant en dehors du flux informatif-publicitaire.


C'est très facile à faire ; il n'a même jamais été aussi simple qu'aujourd'hui de se placer, par rapport au monde, dans une position esthétique : il suffit de faire un pas de côté. Et ce pas lui-même, en dernière instance, est inutile. Il suffit de marquer un temps d'arrêt ; d'éteindre la radio, de débrancher la télévision ; de ne plus rien acheter, de ne plus rien désirer acheter. Il suffit de ne plus participer, de ne plus savoir ; de suspendre temporairement toute activité mentale. Il suffit, littéralement, de s'immobiliser pendant quelques
secondes."

Voilà qui est entendu.  Se déplacer de quelques mètres en dehors du flux. 

L'achat de mon Leica n'est pas innocent et même très calculé. En me décalant de quelques mètres, j'échappe à la course aux capteurs, au méga-pixel, à la bataille rangée Canon-Nikon....je reste calmement avec mes 3 images par seconde et ça me va très bien.

Courage fuyons ! Adage qui me correspond parfaitement car il en faut un peu du courage pour ne pas suivre le mouvement de masse. Bien plus facile de suivre que de s'écarter. 

 
----

Le texte La poésie du mouvement arrêté fait partie d'un recueil de textes de Michel Houellebecq Resté Vivant  aux Editions La Différence en 1991.

Vous pouvez le télécharger içi

Faust : Enfer et Damnation


Conseil numéro 1 : Ne pas écouter les conseils des autres.
Conseil numéro 2 : Faire confiance à son instinct.
Conseil numéro 3 : Ne pas suivre mes conseils.

L'adaptation de Faust par Sokurov est conforme à ce que je m'attendais. J'ai entendu des critiques dire ici et là que le film n'était pas si bien. Mais qui sont ces critiques ?  Des gens comme vous et moi qui donnent leur avis sur tout et souvent sur rien. Des spécialistes ... foutaises évidemment. Un point de vue reste personnel. Il y a probablement plus de sens dans l'avis que donne Mme Michu sur la situation économique de Genève que dans la chronique Cinéma du journal le Temps.

Bref. Le film est bon, inégalement bon, mais c'est déjà ça. La bande son qui en a énervé plus d'un, me plais. Sokurov est partout. La son qui vient de tous les côtés donne une dimension surréaliste au film, l'impression d'être dans un rêve. Fatigué par une dure journée, je me suis assoupi à plusieurs reprises pendant la projection. Réveillé en sursaut au milieu d'une scène ne sachant plus où elle avait commencé ni comment elle allait se terminer. Qu'importe car dans ce Faust tout passe comme dans un rêve. Je dirais même que j'ai le sentiment d'avoir rêvé ce film plus que de l'avoir vu hier soir au cinéma. 

Le rêve de Faust. Voilà qui colle bien avec ma vie en ce moment. Mais qu'échangerais-je contre mon âme ? La vie éternelle : sûrement pas. La reconnaissance et la célébrité ? Non. L'amour et l'argent (tient drôle de combinaison) ? Non, trop pas comme dirait mon fils. Quoi donc ? Le temps...pas le temps éternel mais le temps ralenti. Le temps suspendu comme dans un rêve. Ne pas vivre plus longtemps mais plus lentement. 

J'aime Sokurov et j'aime Faust et Margarete. ˝Plus je regarde les homme, plus j'aime mon chien˝ , disait Desproge. Il avait raison. Plus je regarde le ciném, plus j'aime le cinéma qui sort des ornières. Oui, j'ai vu Batman et je ne le regrette pas, mais quand même....100 millions de dollars pour rêver 3h contre 100,200 ou 300'000 milles Euros pour rêver 2h le compte n'est pas bon.

Sokurov n'est pas tendre avec les hommes. Il les trouve vulgaires, corruptibles , veules, cupides. Il est pessimiste sur le sort de l'Europe...du monde.

Enfin un cinéaste éclairé.

Bon il ne me reste qu'a voir Moloch (1999), Taurus (2000) et Le Soleil (2004): ces précédents opus pour me convaincre qu'avec Bela Tarr, Sokurov sera MA découverte de l'année.




20120903

Les mots que l'on a dit


Les mots que l'on sème nous reviennent au grès des vents. Il faut pouvoir survivre aux mots que nous prononçons. Les mot que l'on a dit nous reviennent de l'hémisphère sud chargés de sable et de gravillons. Ils viennent nous hanter nos nuits et nos insomnies. Ils laissent des messages sur nos répondeurs, s'agitent au fond de nos nuits.

Il faut pourtant vivre après les mots. S'ouvrir, c'est se mettre en danger. Si vous devez garder un secret : ne le confier à personne car soyez en certain, celui à qui vous faites des confidences sera le premier à vous trahir. 

Les mots sont comme des dagues et des lances que nous tenons solidement à la main. Ils sont vos alliés, vos amis, vos âmes damnés. Les mots sont vos plus fidèles lieutenants: ils vous suivent partout où vous allez. Corvéables à merci, ils plient sous le poids de votre volonté mais prenez garde. Ces fidèles soldats n'hésiterons pas à changer de bord, de camp et iront s'offrir au plus offrant. 

Ils nieront vous avoir connu, avoir été proférés et iront même jusqu'à dire le contraire. 

Bref, dire c'est  se mettre en avant, se mette en abîme.

J'aime l'idée qu'un seul mot puisse tuer, envoûter, séduire. Que tout bascule pour une ou deux syllabes. 

Je ne suis pas celui qui renie ce qu'il a dit. Je ne fais pas partie de ceux qui ont "aimé" Zidane ou Thierry Henry et qui maintenant les méprisent. Je ne dis pas: "je n'ai jamais dit cela". Je dis: "j'ai dit ça et maintenant, je dis autre chose".

Il faut pouvoir assumer ce que l'on dit. Les mots ne nous discréditent pas car ils ne trahissent que nos pensées.