20101211

Chronique d'une Disparition

Je ne sais plus comment ça a commencé. Je n'y ai, tout d'abord, pas prêté attention. Une paire de chaussettes, un briquet, quelques pièces de monnaies. Des objets disparaissent, sans laisser la moindre trace. On croit, d'abord, les avoir posées ailleurs. On cherche un moment, on croit se rappeler la dernière fois où on les a vu. On fouille dans ses poches, on soulève quelques piles de pulls, mais rien à faire : "où est donc passée ce super T-shirt que j'aimais bien? Tu sais, celui sur lequel est marqué "I love my style". Evidemment, personne ne voit de quoi vous voulez parler. "Oh, et puis, tu perds toujours tout de toute façon !" tu le retrouveras bien ton T-Shirt.

Dans La Moustache, Emmanuel Carrère nous relate l'histoire d'un homme à qui l'on fait croire qu'il n'a jamais porté de moustache. Lui est persuadé d'en avoir toujours eu une. Mais voilà : depuis qu'il se l'est rasée personne ne le croit. Il pense à une plaisanterie. Sa femme, ses amis, ses collègues—tous—lui assurent qu'il n'a jamais eu de moustache. Il se met, lui-même, à douter qu'il en avait une. Il cherche des preuves: les poils qui étaient restés dans la poubelle de la salle de bain: Disparus. Des photos, de lui, qui datent de quelques mois: Disparus. Rien. Plus personne ne se souvient de lui avec une moustache, et il ne parvient pas à trouver le moindre élément qui puisse justifier qu'il a raison, et qu'ils ont tort.

Notre homme deviendra fou. Il finira par se loger une balle dans la tête. La ligne—entre la raison et la folie—est mince. Pourvu qu'on l'y pousse un peu: N'importe quel homme peut sombrer dans la folie. Dissimulez des objets qui lui sont familiers. Faites—lui perdre ses repères. Faites-lui croire qu'il n'a jamais fait ceci ou cela et il finira par douter. Un doute en amenant un autre, il sombrera lentement dans la folie.

Je sais que mon écharpe, brune, celle que j'aime parce que c'est un cadeau que j'ai volé. Et bien, elle a disparu du séchoir. Je l'ai vu le matin même.

Le fromage que j'avais précisément mis de côté. Lui, aussi, envolé....

Des choses disparaissent autour de moi. Faut-il m'en inquiéter pour autant ? Non. Je crois que ces disparitions annoncent d'autres disparitions à venir. La mienne, par exemple. Le drame de la disparition, c'est lorsque qu'on s'en aperçoit. Je sais que je vais disparaître aussi, à mon tour. Ces objets qui fuient ne cessent de ma rappeler ma propre déchéance.

Pour l'heure, je me bats. Je rentre en resistance. Ne pas céder !!!



1 commentaire:

hihi a dit…

Les objets qui nous entourent n'existe pas ce n'est qu'une représentation de notre imaginaire.

"... Ces difficultés tiennent pour la plus grande part, à la conception tantôt réaliste, tantôt idéaliste, qu'on se fait de la matière. L'objet de notre premier premier chapitre est de montrer qu'idéalisme et réalisme sont deux thèses également excessives, qu'il est faux de réduire la matière à la représentation que nous en avons, faux aussi d'en faire une chose qui produirait en nous des représentations mais qui serai d'une autre nature qu'elles.
La matière pour nous est un ensemble d'"images". Et par "image" nous entendons une certaine existence qui est plus que ce que l'idéaliste appelle une représentation, mais moins que ce que le réaliste appelle une chose, -une existence située à mi chemin entre la chose et la représentation.
Cette conception de la matière est tout simplement celle du sens commun." bergson