20161029

Rester vivant



Je suis cliniquement mort. Comme éteint. De l’intérieur. Ce feu qui brûlait, me consumait, me dévorait, est comme éteint. Vide. Ou vidé.

Enchaîné à mon taf, mes obligations, ma famille... toute la journée bip-bip-bip bla-bla-bla...

Le niveau zéro de l’existence. Zéro.

Et puis il y a eu cette parenthèse. Ce voyage. Une virée sur des routes qui n’en finissaient plus de ne pas finir. Ces longs détours, des kilomètres avalés par centaines dans une totale indifférence, du temps et de l’espace.

Un abandon presque total au Dieu de la route. Une soumission presque.

Il y a ce moment où vous quittez la route, et que vous prenez un chemin de travers bardé de sens interdit. 

Vous sentez le sang qui vous monte à la tête, qui gonfle vos veines et vous donne le vertige. 

Vous sentez qu’à cet instant précis vous n’existez plus vraiment. 

Ni pour vous ni pour personne.

L’excitation mêlée à la peur. La peur de l’orage qui s’annonce, être perdu dans un désert, peur d’avoir la confiance d’une fille de 12 ans assise à vos côtés et qui ne se doute de rien. Peur d’être livré à vous même.

Peur de ne pas trouver ce que vous cherchez.

Et tout d’un coup, c’était là. Devant moi. À portée de vue, de main.

Sombre. Inquiétant. Rassurant.

Une forme, un souvenir qui revient brutalement. Un rêves comme matérialisé.

Ma course soudaine , insensée. Traverser la rivière , l’eau glacée, escalader la dernière dune.

Je n’ai pas les mots pour décrire ce moment. Il y a la joie, le bonheur de l’enfance retrouvée, le sentiment de solitude et de la mélancolie. Le calme en moi. La sensation d'une liberté presque totale. 

D'avoir vécu cette existence dans le but unique d’être ici, vivant, vivant et conscient d’être celui-là et pas un autre. D’avoir choisi d’être là pour admirer ce spectacle qui me désole et me rassure.

D’être l'unique  spectateur de cette gueule béante aux ailes brisées. Masse sombre recrachée du ciel et qui m’attend patiemment depuis 50 ans.

Je crois qu’à ce moment je me suis senti vivant.

Vivant.

En regagnant la route nationale j’ai repris le cours ma vie. Je sais qu’il faudra tôt ou tard choisir : vivre ou continuer de faire semblant. 




https://www.thetravelpockets.com/new-blog/2016/4/how-to-get-to-solheimasandur-plane-crash-in-iceland

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