20121104

L'homme domestique

Ceux qui n'ont rien à dire n'ont qu'a fermer leur gueules. Je n'ai rien à dire ce soir alors je me tais. Et pourtant je fulmine, je bouillonne de l'intérieur. Mais je reste silencieux. J'ai envie de crever le plafond mais je reste là sur ma chaise. C'est lamentable ce manque d'énergie. Je suis devenu un homme domestique. 

Je fais la cuisine,je m'occupe de mes enfants, je reçois mes parents. Je vais au travail. Je rentre du travail. Je fais du sport. 

Et puis quoi ? 

Rien.

Le vide n'a jamais été aussi vide. 

Des intellectuels qui avaient survécu à l'enfer des camps ont dit que si il n'y avait pas eu la littérature, la poésie ils seraient morts. 

Ma condition n'a rien à voir avec la leur : je vis dans un îlot de bonheur. Privilégié parmi les privilégiés je ne peut pas me plaindre. Et pourtant je manque de tout. D'air, d'espace et de vie.

J'enrage. Je suis comme un lion dans un cage (dorée). Plus les années passent et plus je m'enchaîne à cette cage. J'ajoute un verrou, puis un autre verrou. 

Je me vide des mes sens. Ma vision se brouille et j'en viens à douter de mon esprit d'analyse. Vif et agile j'étais. Une grosse patate rétrograde je suis devenu.

Il faut que je bouge. 

Je reviens d'un séjour à New York. La ville qui bouge par essence. Je vois la vie qu'il faudrait mener. Mais je m'arrête. Je contemple sans broncher. Et je reprend mes petites habitudes. Ô comme je me haïs. 

Quand et comment trouverais-je le courage de tout rompre. Pousser cette porte. 

N'y a t'il rien que je puisse faire ? 

Attendre...il faut attendre. Mais qui ? Mais quoi ? et combien de temps. Je mourrais d'attendre. Je serais mort d'avoir trop attendu :

Ci-gît Jean-Marc Falconnet mort d'avoir trop attendu.

J'aime cette épitaphe. Je jure que je la ferai graver sur ce qui me servira de tombe.

En attendant cette heure (pourvu qu'elle ne vienne pas trop vite) je vais essayer encore une fois d'y croire. Croire que je vais déchirer le voile qui m'aveugle, briser la chaîne qui m'attache à ce sol. 


Emprisonné moi car je ne saurais pas quoi faire de ma liberté voila ce que je semble crier du fond de ma nuit. 


En attendant ma libération ou ma mort prochaine je prend quelques photos. Ce succédané de liberté me permet de résister tant bien que mal. Mais même ici mon assujettissement à la norme se fait ressentir. J'ai perdu mon "oeil". Il s'est fondu dans la masse. 

Quelconque

Mes photos sont quelconques. 

Je perd pied. Je perd la raison. Je perd la vue. 

Si le bateau coule alors il mieux la saborder et hâter la descente. Je n'ai jamais aimé les demi-mesures. Sur le bûcher je ferai parti de ceux qui souffleraient sur les braises pour attiser le feu.

Hâte toi lentement me disait mon père. Que savait il de ma souffrance lui qui était si accompli.

Homme inaccompli, inassouvi et en colère. 

Il est 22:30 dimanche soir. Je vais ranger mon amertume et me préparer pour la longue semaine qui m'attend. L'homme domestique que je suis va reprendre le dessus.









 



1 commentaire:

L'absence de Glass a dit…

ESTRAGON : Endroit délicieux.
(Il se retourne, avance jusqu'à la rampe, regarde vers le public.) Aspects riants. (Il se tourne vers Vladimir.)
Allons-nous-en.
VLADIMIR : On ne peut pas.
ESTRAGON : Pourquoi ?
VLADIMIR : On attend Godot."