20120520

Sur la Route

Je sentais à cinquante centimètres au-dessous de moi la route se déployer comme une bannière s'envoler, siffler à des vitesses inouïes.


Je connaissais Jack Kerouac que de nom. Je n'avais rien lu de lui. Je ne savais rien de la Beat Generation, et pourtant elle était tout autour de moi. Je ne connaissais pas Kerouac mais j'en ressentais l'influence partout autour de moi. Dans la musique, dans les styles de vie de mes amis squatters....

J'avais entendu parler de Ginsberg et de Burroughs. J'avais vu "Festin nu" et "Crash". Je commençais à comprendre ce que ça disait. Puis, j'ai lu Kerouac s'en m'en douter :"Big Sur". 

Et si je connais si mal l’œuvre de Kerouac c'est parce qu'au fond ma vie rêvée est la sienne. Combien de fois n'ai-je pas pris la route, la tangente comme ils disent. Tôt. J'ai commencé tôt. Mes petites fugues qui m'emmenaient petit déjà dans les champs qui bordent le nord du village où je vivais avec mes parents. 4 ou 5 kilomètres dans la forêt à s'imaginer qu'on est en pleine expédition dans la jungle de Bornéo.

Plus tard, plus loin jusqu'à Paris en Vespa. 19,20 ans ? Cette petite virée qui a failli mal tourner. Cette nuit, dans ce train, dans une gare de marchandises. Le lendemain Paris....la vitesse sur le périphérique et l'arrivée brutale gare de Lyon. La recherche d'un lieu pour dormir..ma rencontre avec les squatters. Cacahuète et puis cette fille dont je ne me souviens plus le nom.



Je dormais à la belle étoile avec mon sac à la main mon couteau dans la poche. Mes longues ballades dans les rues de Paris. Les soirées passées à deviser sur les mondes lointain. Les journées à ne rien faire. Les embrouilles avec les skins.


Et puis, cette scène irréelle : un après-midi au cinéma avec ma mère. Je me souviens du film : Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sex sans jamais oser le demander.


Le départ enfin. La République Dominicaine. Inquiétant quand on voyage seul. J'avais vaguement une adresse, un point de chute. La fille en question n'était pas là. Elle voyage me dit son père...


Me voilà contraint de loger dans l’hôtel de son père. Ma "fortune" y passera. 

Le jour, je déambule en ville, je vais à la plage.

J'observe cette île qui est la copie de l'île d'où je viens. Les femmes y sont encore plus belles, les hommes plus virils.

C'est un peu le Far West. Les mecs se baladent avec des flingues dans la ceinture. 

La nuit, je sors, me faufile dans les endroits que la morale réprouve. Cet après-midi, où j'ai failli perdre la raison et mon porte-monnaie—de m'être attardé trop longtemps avec des jolies filles dans un bar. Poussé à boire par mes anges-gardiennes je n'ai pas vu le coup venir. Il s'en est fallu de peu pour qu'il me tanne le cuir mais c'était mal me connaître. 


Puis la fin qui vient vite, le manque d'argent, l'ennui. L'échange...

Une chambre d'hôtel contre une chambre chez l'habitant. Le départ en voiture, la traversée dans les quartiers pauvres de la ville. Premier choc. Des haïtiens...la frontière n'est pas loin. 

Le tarif n'est pas le même...mais le service non plus. Mon accompagnateur me dit que la logeuse me fera un prix et comme elle me trouve beau, je pourrais aussi m'occuper d'elle. 

Je prends mon bagage et mes jambes à mon cou.

Aventurier peut-être mais pas trop non plus.

Le retour déjà. Saint-Domingue. Paris. 

Je retrouve mon scooter à la gare de Lyon. Il lui manque une roue. 

L'ironie voudra que je revienne quelques années plus tard dans cette même gare au même endroit. Mon scooter ou ce qui en restait y était encore. Longue réflexion sur les traces que nous laissons sur cette terre. Comme tout finit par mourir , s'effacer et disparaître.

Je suis rentré bien sagement dans mes pénates. L'aventure a du bon surtout quand on rentre chez soi.

Trente jours de pérégrination en attendant d'autres départs...

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