20120411

Rendez-vous manqué





Elle : Tiens vous étiez là  ? 
Lui  : Oui
Elle : Je ne vous avait pas vu. La lumière vous comprenez ? 
Lui  : Oui. Je comprends
Elle : Vous êtes économe...
Lui : Pardon ? 
Elle : Oui, les mots, vous êtes économe...pas un mot de trop.
Lui : Ah oui. Un mot pas plus. Désolé. Ca vient de ma mère. Elle    parlait trop.
Elle : Vous compensez en quelque sorte.
Lui : Oui.
Elle : Mais dites-moi que faisiez vous ici, seul assis dans le noir ? 
Lui : Je rêvais.
Elle : De quoi ?
Lui : Que je n'étais plus qu'un gramme. Un grain de sable. Une poussière dans....
Elle : ...l'oeil. 
Lui : Oui, vous m'avez tapé dans l'oeil mais sans me voir. J'étais là, dans le noir, et vous m'avez agressé. Vous voir fut comme un choc. Une déflagration. Et puis je vous ai convoqué ! 
Elle : Vous m'avez quoi ? Mais je ne vous connait pas.
Lui : Je vous ai convoqué dans mes rêves !
Elle : Mais vous délirez mon jeune ami ...personne ne convoque personne dans les rêves. Nos rêves ne sont que la fin de nos illusions. Il n'y a ni convocations ni rendez-vous dans les rêves. Nous ne sommes que nous-même dans nos rêves. Rien que nous. 
Lui : Je dis vous avoir convoqué dans mes rêves et vous y étiez. Plus belle et plus majestueuse que là sous mes yeux. 
Elle : Vous êtes fou, mais j'aime votre folie. Bon alors, dites- moi. Dans ce rêve, j'étais comment ? 
Lui : Vous ne parliez pas. Vous êtiez. La lumière....
Elle : Quoi la lumière ?
Lui : celle des peintres de la Renaissance...une lumière divine. 
Elle : Ah....je vois....
Lui : Et puis, la douceur qui va avec. Une quiétude que l'on ne retrouve plus aujourd'hui. Tout n'est que clic-clic, tac-tac-tac, pouet-pouet-pouet autour de nous aujourd'hui. Le monde est une éternelle pétarade. Il n'y a que dans les déserts et dans les rêves que le monde revête ce silence qui lui va si bien. 
Elle : J'aime ce que vous dites mais si je ne comprends pas tout.
Lui : Rien ne sert de comprendre. Il faut partir à temps ! 
Elle : Je ne comprends vraiment rien à rien....
Lui : C'est normal....vous n'étiez pas là à la 1ère heure ...
Elle : Comment ?
Lui : Comme dans les rêves ce sont les premières minutes qui comptent....je vous ai donné rendez-vous dans mon rêve mais vous êtes venue trop tard.
Elle : Quoi? Moi, en retard ? Décidément .. je ne vois rien, je n'entends rien et en plus je suis en retard...c'est bien mon jour.
Lui : C'est un rendez-vous manqué. Nos vies se jouent à quelques secondes près. Une seconde vous vivez...l'autre vous mourez. Une minute vous respirez, l'autre vous étouffez. La vie se joue sur un fil...sur une note. 


Il y a des rendez-vous qu'il ne faut manquer sous aucun prétexte sous peine de voir votre vie vous filer entre les doigts...
Elle : Je me souviens d'une toile. Une toile de maître. C'était à Londres je crois. Oui, à Londres. Renoir ou Le Lorrain peut-être. Oui, Le Lorrain. Une scène magnifique : un port, un bateau. Mais par dessus tout cette lumière...comment vous disiez déjà ? Divine.
Lui : Ah vous voyez !
Elle : Non, je ne vois pas.
Lui : Et bien, c'est comme dans cette toile. Vous ne vous souvenez pas des détails mais de la vue d'ensemble. Cette impression ne vous quitte pas. Ne vous quitte plus. La lumière vous aveugle par tant de beauté. C'est la magie qui opère....


Vous comprenez ce que je veux dire maintenant. 


Cette toile je la connais bien. Je l'ai contemplé des heures durant. Elle est à Londres effectivement. 
Elle : Bon, ce n'est pas tout ça mon bon monsieur. Ce n'est pas avec vos rêveries que je vais nourrir ma famille. Il faut que j'y aille.
Lui : Très bien Madame. Je suis ravi de vous avoir détourné de votre chemin l'espace d'un instant, l'espace d'un sourire, l'espace d'une rime. 
Elle : Je vous souhaite une belle journée. Que vos rêves vous suffisent.
Lui : Ils n'y suffiront pas Madame...mais quand on n'a pas de merles, on mange ...
Elle : ...des grives
Lui : ..des grives effectivement. Bonne journée Madame.




Note de l'auteur :


Petite conversation née de mon imagination et de la vision de ce tableau que j'ai longtemps contemplé à Londres en 1998, de la lecture du texte de l'exposition d'Alan Melrose et d'autres trucs qui trainent dans ma tête. Cette conversation comme la guerre de Troie d'ailleurs n'a pas eu lieu. 

























2 commentaires:

L'absence de Glass a dit…

une vie exemplaire:
http://hihi-hihi.blogspot.com/2007/10/une-vie-exemplaire.html

L'absence de Glass a dit…

La vrai vie est ailleurs