20110818

Sur la Laideur

C'est certainement l'avenue la plus laide et la plus insignifiante au monde. Je m'imagine le voyageur qui—pour la première fois—foule le sol de notre pays et qui aurait eu la sotte idée d'arriver par là, par cette frontière au lieu d'une autre.

La première impression, comme dans beaucoup de domaines, est déterminante. Le premier rendez-vous fixe un certain nombre de paramètres qu'il sera plus ou moins difficile de modifier par la suite.

Tous le monde se souvient de la première rencontre avec l'être aimé: cette manière si particulière qu'on les personnes avec qui vous partagerez d'autres moments de se singularités, de se démarquer des autres. La première impression, bonne ou mauvaise, vous marque et détermine déjà les rapports que vous entretiendrez plus tard.

Un tel est bien mis  et charme son entourage. Un tel est négligé et titube. Une autre ne cesse de regarder son reflet dans les miroir. Une autre vous dévisage et se jette sur vous en vous couvrant de baisers.

Je me rappelle de mes arrivées à: Las Vegas, Paris, New York et, ceci,  comme si c'était hier. Une impression nette et précise : je vois des lueurs rouges et jaunes au loin dans la nuit. Au détour d'un virage, je découvre Las Vegas. La ville brûle de milles feux. La route qui serpente vous amène lentement au coeur du vice.

C'est ce que j'ai pensé en arrivant à Las Vegas: après le feu du désert celui du vice et de la nuit.

En arrivant à Genève par la douane de Prévessin-Moëns, on a l'impression d'arriver nulle part. Les douaniers français ne sont pas là; les suisses non plus.

Sur la gauche, on aperçoit le CERN au centre. En enchevêtrement: des câbles électriques et de lignes à haute-tension. Sur la droite: des bâtiments administratifs, des stations d'essences et des parkings pour voitures.

L'ensemble est d'une laideur affligeante, et ce n'est pas la vision d'un mont Môle aperçu fugitivement entre deux caténaires qui change grand chose au problème.

Le problème c'est l'ensemble. Toutes ces constructions sont laides. Le CERN est laid, et ce n'est pas le bâtiment futuriste fabriqué pour fêter l'an 2000 qui donne de la splendeur à ce lieu. Non, cette avenue est triste et laide.

Le tram 18: fleuron de la technologie Canadienne qui propulse les usagers en direction du centre-ville. Ah tenez-vous bien, plus de 20km !!! Ceci vient donner une note comique à ce paysage désolant. Comique et totalement anachronique. Au XXIème siècle— à l'heure où toutes les capitales s'équipent de métros, de trains sans pilotes, de véhicules électriques léger et rapides—nous, nous avons un tram modèle 1900.
—Même Lausanne à son métro...

Le voyageur qui aurait commis l'imprudence de venir en Suisse et de choisir cette douane, plutôt qu'une autre, aura une bien piètre image de notre pays. Il ne pourra guère se consoler en regardant le spectacle affligeant à travers les vitres du tram. Une longue suite d'immeubles, tous aussi laids les uns que les autres, construits par des architectes maternés au lait suisse. —Un lait de qualité mais qui ne donne aucune imagination, aucune créativité.

Je me console en me disant que celui qui arrivera depuis la douane de Versonnet ou de Monniaz, lui, sera sauvé...

1 commentaire:

L'absence de Glass a dit…

“La laideur a ceci de supérieur à la beauté qu’elle ne disparaît pas avec le temps.” Serge Gainsbourg