20110819

La Honte

Mon père disait souvent: “un moment de honte est vite passé”. La honte est un sentiment bizarre. On dit souvent: "j'ai honte" ou: "tu nous fais honte", mais aussi: "ça fait honte à voir" et plus récemment dans la bouche des jeunes: "c'est la honte".

La honte, c'est aussi ce que les titres des journaux montrent dans des images "chocs" de bidonvilles, de décharges publiques ou de clochards—mais, uniquement lorsqu'elles sont prisent dans nos régions. Ailleurs, sa passe mais à Genève, c'est la honte.

La honte, pour qui d'ailleurs ? Pourquoi, on s'imagine les pauvres, les ordures,etc? Mais, qui a honte au juste? Le journaliste qui écrit l'article ? Sûrement pas. L'éditorialiste ou l'actionnaire du magazine? Evidemment, non. Mais, qui alors ? Nous autres lecteurs ?

La honte est en sentiment qu'on éprouve par apport aux autres. Pas de témoin, pas de honte. Un jour, j'ai été malade. Une dysenterie carabinée. J'allais prendre mon métro aux halles lorsque j'ai senti un liquide chaud me couler entre les jambes. J'ai regagné mon appartement en rasant les murs. Mon honneur était sauf, car personne ne m'a vu. Mais la simple évocation de ce qui m'arriva, ce jour là, suffit encore à me faire trembler.

Et si quelqu'un m'avait vu ? Avait-il remarqué quelque chose?

Nous éprouvons de la honte dans différentes temporalités : passé, présent et futur.

Vous vous êtes oublié un jour à l'école. Vou suppliez la  maîtresse de vous laisser allez au WC, mais elle refuse: "les besoins c'est pendant les récréations, pas avant ni après". Votre voisin de table signale à la classe entière la présence d'une flaque sous votre chaise. C'est le rire général. Le sentiment qui vous gagne, à ce moment, est le même que celui que vous éprouvez quarante ans plus tard en y repensant. Le sentiment est intact: la honte se conserve longtemps et bien mieux que l'amour.

Vous êtes au restaurant et vous vous disputez avec votre fiancée: elle vous gifle et vous traite d'enflure en quittant la table. Vous restez immobile n'osant pas affronter les regards des gens. La honte vous submerge.

Vous voyagez en train et vous vous laissez aller à vos pensées. Vous répétez le discours que vous aller prononcer ce soir. A ce moment précis, vous revient en mémoire le dernier discours que vous avez prononcé pour le départ de votre ancien chef: le long silence qui avait ponctué la fin de votre discours, les regards attérés de l'assistance vous glace encore le sang et la perspective du discours à venir démultiplie votre angoisse à l'infini.

La honte est le seul sentiment qui s'exprime simultanément en trois dimensions: passé/présent/futur.

Un noment de honte est vite passé, certes, mais il ne s'oublie jamais.



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